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Après chantier, il est impératif de transformer l'impact négatif en impact positif. Guyane

Par : | Durée : 5min 36sec | Postée : Il y a 9 ans | Chaîne : Tous ensemble pour sauver la forêt guyanaise....
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La réhabilitation des sols et la revégétalisation des secteurs orpaillés sont une absolue nécessite.
Les sols sont un compartiment majeur de stockage du mercure dans les écosystèmes terrestres. Leurs constituants organiques et minéraux ont en effet la capacité de fixer cet élément trace métallique, sous forme d´ion mercurique. Les sols jouent donc un rôle de puits du mercure émis par les volcans, les océans et les activités industrielles, et disséminé dans l´environnement via l´atmosphère à l´état de mercure élémentaire gazeux. Mais les sols interviennent aussi dans le cycle du mercure, en régulant les flux vers les milieux aquatiques et son retour vers l’atmosphère. En Guyane, c´est l’ancienneté des ferralsols et leur teneur élevée en oxydes métalliques qui expliquent leur richesse en mercure (autour de 0,4 µg.g-1). Les activités humaines, parmi lesquelles l’orpaillage ou la déforestation, contribuent à cet enrichissement ou, à l´inverse, accélèrent la mobilisation du mercure en amplifiant les processus d´évolution des sols tels que l’érosion et l´hydromorphie.
La Guyane a connu plusieurs ruées vers l´or depuis le 19ème siècle. Il en résulte de fortes pollutions sur les chantiers d´orpaillage (jusqu´à 10 µg.g-1) où du mercure a été utilisé pour extraire l´or. Cependant, que l´exploitation aurifère ait utilisé ou non du mercure, son impact le plus visible sur l'environnement est l'accroissement de la turbidité des rivières en aval des chantiers, consécutif à l´érosion des sols et à l´entraînement des particules les plus fines qui sont les phases porteuses de mercure. En outre, les sols hydromorphes des bas-fonds, fortement remaniés par l’orpaillage, ainsi que les bassins de décantation ou tout autre plan d´eau artificiel, sont des réacteurs géochimiques qui produisent la forme de mercure la plus toxique et bioaccumulable, le monométhylmercure. Dans ces différents contextes, les fortes teneurs en mercure, sulfate, carbone organique et fer dissous, ainsi que des conditions  anoxiques des eaux stagnantes, favorisent l’activité des bactéries sulfato- et ferri-réductrices impliquées dans la biométhylation du mercure.
La modification des pratiques d’orpaillage et la réhabilitation des sites miniers, par exemple l’utilisation de floculants pour accélérer la décantation des particules dans les bassins, couplée à une reforestation rapide, sont donc indispensables pour limiter les émissions de mercure dans les milieux aquatiques et son accumulation le long de la chaîne alimentaire.
Pourquoi mener des recherches sur la reforestation des sites miniers ?
Les finalités sont d’ordre environnemental et sanitaire. Il s’agit d’une part, de régénérer un écosystème forestier dont les fonctions écologiques, sinon la composition (biodiversité), soient proches de celles de l’écosystème initial. D’autre part, il importe de limiter les risques d’émission et de diffusion vers les milieux aquatiques de la forme du mercure la plus toxique et bioaccumulable, le monométhylmercure. A cette fin, le drainage de l’eau en excès est une priorité, pour abaisser la nappe phréatique et aérer la partie supérieure du sol. L’installation d’un couvert végétal contribuera à assécher le sol, par la transpiration des plantes, tout en réduisant les phénomènes d’érosion. Les recherches doivent porter sur les processus de  restauration de la fertilité du sol, impliquant des mécanismes biologiques, physiques et chimiques. Il s’agit d’identifier les pratiques assurant l’efficience de ces mécanismes et de leurs interactions, par exemple l’agrégation du sol, via l’activité des organismes du sol (vers de terre, termites, etc.) et la croissance des systèmes racinaires. Les « bonnes » pratiques de gestion des chantiers, telles que celles visant à conserver la couche superficielle des sols, riche en matière organique et semences de plantes de la forêt originelle, ou le choix d’espèces végétales à planter, sont trop récentes pour avoir le recul nécessaire à l’évaluation de leurs effets à moyen et long termes. Il convient donc d’étudier de tels systèmes mis en place en conditions réelles, pour être en mesure d’améliorer et de valider scientifiquement les pratiques, et de déterminer leurs conditions d’application.
Michel GRIMALDI Docteur en pédologie - Directeur de recherche à l'IRD.